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15 SEPTEMBRE 2019

« Monsieur de Pourceaugnac » est un défi pour tout metteur en scène exigeant car cette pièce, dans sa version intégrale, comporte des parties chantées et des ballets. On peut bien sûr être tenté de les sacrifier afin de se concentrer sur le texte mais c’est un parti pris discutable, qui déracine l’œuvre pourtant ancrée dans l’époque des comédies-ballets, chères à Louis 14 (XIV, quoi !), danseur émérite et redouté. Ainsi, en l’empoignant dans son entier, Daniel Trubert fait œuvre utile, à charge pour les comédiens de se révéler danseurs et/ou chanteurs acceptables.

A mi-parcours des répétitions, alors que les scènes sont désormais filées par demi-acte, on peut déjà percevoir le potentiel, comique évidemment, mais de cruauté aussi de cette pièce, ainsi que sa pleine capacité à enrober dans un rire une réelle férocité, notamment dans l’hypocrisie, « vice à la mode » selon Don Juan, et qui n’est pas l’apanage des intrigants (Sbrigani et Nérine) vu que les amants (Eraste et Julie) en font preuve également, avec brio.

Il n’y a guère que les dindons de la farce, Oronte et Pourceaugnac, qui soient dépourvus d’hypocrisie, ce qui ne veut pas dire qu’ils soient aimables : Oronte le cupide et Pourceaugnac le vaniteux sont riches, et n’ont pas besoin de ruser vu que tout leur est dû dans une société faite pour eux. Quant aux médecins et à l’apothicaire, ils sont aussi ridicules que d’habitude chez Molière, et très attachés à ce que rien ne bouge dans cette société dont le niveau de superstition leur assure richesse et notabilité.

La morale enfin, forcément sauve compte tenu du poids combiné de la religion et de l’aristocratie (et de la fragilité du statut d’artiste sous l’Ancien Régime), permet à tous de bomber le torse et de recréer un équilibre, dans lequel Oronte aura toutefois perdu (et non pas gagné) quelques milliers d’écus au prix, dérisoire à l’époque, du sacrifice d’un étranger (ici Limoges, à vous la Terre !), ce chien, ce galeux de Pourceaugnac qui rentrera bredouille chez lui, honteux et confus, au milieu des lazzi(s) et de la fête du mariage d’amour qui aura pu se frayer un chemin : champagne !!

Frédéric Maurel

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